Τρίτη 1 Ιανουαρίου 2013

Échanges sur la Grèce



ΑΝΑΔΙΜΟΣΙΕΥΣΗ ΑΠΟ: http://blog.tempscritiques.net/archives/421#more-421

i-dessous une correspondance sur la situation grecque entre Jacques Wajnsztejn et Panagiotis Kokkinis initiateur du blog capital-revolution.blogspot.fr qui traduit dans sa langue de grandes parts des textes de Temps critiques.

Le 2012/11/26

Bonjour,
Nous avons été alerté de l’existence de votre blog où figurent des débuts de traduction de textes de notre revue Temps critiques. Nous avons pu vérifier auprès d’amis grecs que ces traductions étaient sérieuses même si elles restaient incomplètes, mais nous aimerions savoir dans quelle perspective vous les avez entreprises et nous sommes aussi étonnés que vous n’ayez pas cherché à prendre contact personnellement avec nous. Mais après tout le plus important c’est que les textes circulent. Pour info, nous vous signalons qu’un article du n°2 de Temps critiques (« La crise de l’État-nation » de JW) a été traduit en grec et il se trouve sur notre site.
JW


Le 27/11/2012

Bonjour,
Votre texte “La crise de l’État-nation” a été la raison pour commencer à lire votre site quelques mois avant de créer le blog. Je ne suis pas un traducteur professionnel (je suis ingénieur et je travaille dans un hôpital), c’est pourquoi certaines traductions sont encore incomplètes. Pour compenser cette faiblesse j’ai lu beaucoup de vos écrits pour avoir une image plus complète, afin d’améliorer les traductions et pour éviter de les falsifier.
J’ai demandé aussi l’avis d’un traducteur professionnel qui a traduit des livres politiques français et les a trouvées assez bonnes .
Vos écrits m’ont aidé à comprendre de ce qui se passe aujourd’hui en Grèce (par exemple, la désinstitutionnalisation de la justice, avec les processus de socialisation, la soustraction de l’interprétation constitutionnelle par les tribunaux de bas grade, la restructuration en réseau etc.).
J’ai fait cet effort parce que je crois que votre analyse critique est très importante.
Panagiotis Kokkinis



Bonjour,
Merci en tout cas.
Je crois effectivement que la situation en Grèce ne doit pas nous laisser indifférent. Mais malheureusement, la plupart des informations ou commentaires qui nous parviennent concernent des luttes qui nous apprennent certes des choses sur le niveau de tension entre les forces en présence, mais qui ne nous disent rien sur les perspectives en cours. Beaucoup ici font alors comme si la Grèce était un laboratoire de la révolution future… ou de la contre-révolution, sans analyser les caractères de l’État grec et du patronat. Or il me semble que c’est à cause de ses caractéristiques propres que la Grèce ne peut servir de modèle, mais nous donne à réfléchir quand même dans le cadre théorique que nous avons développé.
Je m’explique : L’État grec représente bien quelques caractéristiques de ce que l’on peut appeler l’État-nation avec sa lutte pour la souveraineté nationale contre les Turcs et en conséquence son budget militaire démesuré par rapport à son PIB. Mais il n’en a pas les autres caractéristiques comme par exemple la capacité de lever des impôts sur les bénéfices des grands armateurs et du patronat, sur les biens de l’Église etc. Il n’a pas non plus parcouru les différentes étapes de la démocratie bourgeoise et les périodes démocratiques qui ont été entrecoupées de périodes militaires ou fascistes ont débouché sur un type de parti politique népotiste et clientéliste. Comme par certains côtés en Italie ou à un autre niveau en Russie, mais ici c’est bien plus accentué et ce qui est le plus anachronique côtoie ce qui est le plus moderne.
C’est pour cela que, comme tu le dis dans ta lettre, on peut avoir déjà d’un côté une désinstitutionalisation d’un État-nation qui n’avait pas atteint sa phase de maturité tout en ayant développé quand même sa « surface » bureaucratique (nombre élevé de fonctionnaires, croissance exponentielle de son nombre d’étudiants) et de l’autre une restructuration en réseau facilitée par ce manque de maturité et l’existence d’un capital immédiatement mondialisé de par sa sectorisation particulière (les transports maritimes, le tourisme) et les subventions européennes qui ont orienté son mode de développement.
Quels sont alors les perspectives ? Sûrement pas des perspectives révolutionnaires, même si des tendances insurrectionnelles se manifestent ici et là, en l’état actuel de l’isolement de la Grèce. Il faudrait au minimum que l’Espagne et l’Italie et encore mieux la France entrent dans un même processus de reproduction problématique des rapports sociaux pour que la question soit vraiment à l’ordre du jour. Ce serait, à mon avis, la seule possibilité pour que la Grèce saute l’étape de la consolidation démocratique. D’une manière plus générale, cette question de la démocratie a été à la base de toutes nos défaites ces dernières années ; que ce soit au sein du mouvement révolutionnaire des années 1968-1977 en Italie, où en France en mai 1968 avec le triomphe gaulliste aux élections de fin juin 1968, ou encore après la « révolution des œillets » au Portugal ou enfin avec l’absence de résurrection de l’anarchisme espagnol après la mort de Franco. Non la tendance est plus à un choix limité entre d’un côté des forces de gauche regroupées autour du parti Syriza (une sorte de Front de gauche français qui finalement n’aboutirait au mieux qu’à un mélange de nationalisme économique à la Montebourg et de national-populisme à la Mélenchon) et de l’autre le parti de la globalisation et de l’intégration accrue de la Grèce à un ensemble économique qui verrait la question de sa souveraineté passée au second plan. Une solution à la slovène en quelque sorte qui aurait « l’avantage » d’avoir l’aval de l’Allemagne et des pays du Nord de l’Europe. Rien de bien réjouissant donc, mais il n’y a rien de bien réjouissant chez nous non plus. La difficulté est de dire cela lucidement et en même temps de participer aux luttes telles qu’elles se produisent. Nous en sommes tous là.
Pour finir, quelques camarades de Paris sont actuellement en Grèce pour une sorte d’enquête sur la situation. Il aurait été bien que tu puisses les rencontrer, mais il faudrait me donner vite une adresse ou un numéro de téléphone que je leur ferais passer afin que vous puissiez vous joindre avant leur retour en France.
A te lire prochainement,
Pour Temps critiques,
Jacques Wajnsztejn


Le 5/12/2012

Bonsoir.
Désolé pour mon retard. Mon contrat se termine à la fin de l’année, je cherche du travail (les seuls emplois que je trouve sont à Dubaï et au Koweït).
Je vais essayer de faire une brève description de la situation:
Le plus marquant de la politique de l’Etat grec ces dernières années ce sont les mesures dites horizontales.
Il ne s’agit pas simplement des mesures visant à organiser davantage une baisse des revenus, mais aussi que celles-ci soient la négation absolue de toute exception, même dans les cas où il est impossible de mettre en œuvre ces mesures pour les plus démunis (chômeurs, pauvres, handicapés, etc.). Dans le dernier mémorandum il y a aussi des mesures supplémentaires de taxation fiscale pour les familles avec enfants (“l’homme en trop” !). C’est le refus absolu du rôle de l’État dans la reproduction des rapports sociaux. Ce cynisme extrême semble être le néolibéralisme en action, même dans les cas où il ne peut y avoir des résultats économiques. Il s’agit en fait d’une expérimentation politique de désinstitutionnalisation rapide.
Les critiques dominantes face à ces politiques se font en termes d’analyse des classes. Je veux dire que la majorité de ceux qui résistent en Grèce tiennent toujours le fil rouge des luttes de classes sans se rendre compte qu’il est cassé. (les intérêts de classe ne sont plus la condition de la révolte ou de la résistance).
La situation s’est considérablement aggravée avec la montée du parti fasciste Hrysi avgi. De nombreuses pièces du mouvement (surtout les anarchistes et trotskistes) sont orientées à créer des organisations antifascistes. Ils affrontent le problème comme une externalité avec une approche militariste*. Ils perçoivent le phénomène fasciste comme systémique, comme l’organe de l’État, etc, et non comme un résultat des contradictions et des relations sociales. Ils essaient de construire une unité basée sur le travail et les intérêts communs et quand celle-ci ne correspond pas à la réalité, alors tant pis pour la réalité !
Par exemple, l’Etat a propulsé la création de comités contre le commerce illégal par les immigrés en collaboration avec des associations commerciales (après les attaques fascistes contre les immigrés dans les marchés aux puces en plein air). Les organisations antifascistes ignorant cette réalité ont essayé de trouver des intérêts communs entre les commerçants et les immigrants !
D’un autre côté, le plus prometteur, il y a une augmentation du nombre de collectifs qui se concentrent sur la solidarité (cuisines collectives dans les zones des sans-abri et des immigrants, les écoles gratuites pour les immigrants, les bazars gratuits, les écoles de musique et de danse gratuites etc.) et qu’on retrouve aussi dans les arts (théâtre, musique, multimédia, expositions collectives, espaces de création et d’échange communs, etc) avec des vues plus ou moins politiques. Bien sûr, l’élément dominant pour la plupart d’entre eux est le besoin de resocialisation. Dernièrement, il y a une tendance à la multiplication des échanges et la communication entre de nombreux collectifs. Avec un ou deux de ces collectifs actifs dans le domaine de l’art et de la politique (http://www.happyfew.gr ethttp://dangerfew.blogspot.gr j’ai des échanges fréquents et ils ont trouvé très intéressants vos écrits).
Panagiotis Kokkinis
On retrouve un peu ici le schéma insurrectionniste qui sépare ami-ennemi comme s’il n’y avait aucun rapport entre eux [note de JW]

Le 6/12/2012

Quelques précisions.
Comme exemple de taxation pour tous, la taxe foncière par rapport à la zone et à la surface de chaque propriété, envoyée sur la facture d’électricité sans aucune mesure d’exemption pour les propriétaires sans revenu, pour les chômeurs etc. Or en Grèce 80% des personnes sont propriétaires de leur habitation.
Mais aussi, en Grèce 45% des personnes actives, au début de la crise, étaient des travailleurs indépendants (ingénieurs, avocats, artistes, etc). Mais pour avoir le droit d’exercer leur profession ils doivent payer un impôt d’un montant de 500 € par an tandis qu’une grande partie d’entre eux sont maintenant au chômage et sans aucun revenu au cours de cette même année.
Panagiotis Kokkinis


Le 9/12/2012

Il y a une virtualisation du politique avec un déclin des institutions et de plus en plus de mesures non institutionnelles qui sont prises comme les taxations fiscales. Ce déclin des institutions redouble celui des syndicats qui sont tenus à l’écart des négociations sur la réforme au profit d’associations professionnelles. Le gouvernement a tendance à s’adresser directement à l’opinion publique en lui communiquant les différents scénarios de la réforme en cours. Les médias et les instituts de sondage sont mis à contribution afin de tester les réactions de la population.
Ce qui reste de l’État semble se redéployer vers le social pour le dominer à travers l’action des ONG, de l’Église et des services sociaux des municipalités avec la bénédiction des autorités politiques allemandes dans la mesure où ça vient compenser la pilule amère des réformes.
Au-delà de la baisse des revenus qui résulte de ces réformes (baisse de niveau de reproduction), qui a probablement son origine dans la prédominance de l’Allemagne au sein de la zone euro, il semble que les mesures actuelles sont une vaste utilisation de l’économie (de la crise économique) comme outil de restructuration propre à surmonter la crise de reproduction.
Par exemple:
- en Grèce il n’y avait pas de bulle immobilière et le taux élevé que les Grecs ont comme propriétaires de leur habitation. Ce pourcentage s’explique par l’urbanisation tardive de la Grèce et semble être un obstacle pour la restructuration. Or le caractère sacré de la propriété ne correspond pas à la société capitalisée, à la prédominance des formes immatérielles du capital).
- la forte taxation des travailleurs indépendants et la chute de leur chiffre d’affaires conduira à l’augmentation du pourcentage de ceux qui travaillent en tant qu’employés. Il faut noter que les associations professionnelles ont résisté plus efficacement à l’attaque (taxis, transporteurs, etc) par rapport aux travailleurs salariés, ce qui montre aussi la grande importance, pour le pouvoir en place, d’assurer la continuité de la reproduction par la circulation encore plus que par la production (l’inessentialisation de la force de travail).
Panagiotis Kokkinis


Le 10/12/2012
L’aspect le plus étrange dans ces mesures est précisément l’absence de toute exemption. Jusqu’à présent, ils perçoivent la plus grande quantité possible de taxes et laissent une grande partie de la population sans revenu avec une dette à l’IRS (le bureau des impôts) sans faire aucun réglage. Mais cet absence de réglage s’accompagne d’une indifférence de l’État pour l’application universelle des lois. Par exemple, l’impôt foncier n’est pas payé par 30% des propriétaires.
La Gauche attribue cette caractéristique particulière de ces mesures à l’incapacité de l’État grec, mais je crois que c’est une interprétation très trompeuse qui obscurcit le processus de désinstitutionnalisation de l’État.
Je ne sais pas si mes conclusions sont correctes. Je n’ai pas d’aide dans cet effort, juste j’essaye avec quelques outils critiques de comprendre certains aspects de la politique fiscale qui constitue le cœur de ces mesures.
Panagiotis Kokkinis


Le 11/12/2012
Je pense qu’il y a un mouvement parallèle et complémentaire, comme vous le dites: “une autonomisation de la forme financière en phase avec l’autonomisation des institutions.” mais je suis un peu confus et je n’ai pas une image claire de l’ensemble du processus.
Panagiotis Kokkinis


Le 18/12/2012

Bonjour,
Pour préciser, quand nous parlons d’autonomisation de la forme financière, nous ne voulons pas dire qu’il y a déconnexion entre économie financière et économie productive (la thèse la plus souvent défendue par les critiques du néo-libéralisme et même par des critiques du capitalisme en général), puisque nous pensons au contraire que la finance représente le cœur de la coordination capitaliste. Nous insistons seulement sur le fait que les formes de cette financiarisation peuvent accéder à une certaine autonomie au sens où elles peuvent développer leur propre rationalité qui peut être contradictoire avec la rationalité macro-économique d’ensemble. Il en a été ainsi pour les innovations financières qui ont été à la base de la crise de 2008. Cette autonomisation correspond à une sorte de virtualité de la finance dans la mesure où cette dernière tend à transgresser l’immobilisation du capital productif sans pouvoir s’en défaire. La contradiction entre préférence pour la liquidité et nécessité de l’accumulation correspond à la contradiction entre valorisation immédiate et valorisation à terme. Mais le but reste le même : la capitalisation et donc l’accroissement et la circulation de flux de richesse (revenus).
Bien à toi,
Jacques Wajnsztejn


Le 18/12/2012

Pour préciser encore, nous ne parlons pas seulement d’autonomisation des institutions, mais de résorption des institutions (cf. les articles de J.Guigou sur « l’institution résorbée »), c’est-à-dire pas seulement d’une situation à l’italienne où la Justice s’autonomise d’un pouvoir politique faible pour réaliser sa lutte contre les mafias et les différents groupes brigadistes d’extrême gauche, puis contre les politiciens corrompus comme dans l’opération mani pulite, mais d’une situation plus générale d’un État qui se restructure en dehors ou sans les médiations traditionnelles qu’il utilisait dans le cadre de l’État-nation.
Il est pour nous évident que ces deux mouvements (la tendance à la financiarisation et le déclin de la forme État-nation) sont liés. Mais comme je te l’ai déjà dit la situation en Grèce est différente puisque premièrement la financiarisation reste relativement extérieure ou étrangère (dans tous les sens du terme) à la société grecque et que l’État n’a jamais véritablement développée la panoplie complète de l’État-nation. En faisant dans le « tout social » comme tu le dis dans une de tes lettres, il pense ainsi sauter la phase de transition vers ce tout social qu’a pu constituer la forme État-providence de l’État-nation. Un État qui se restructurerait à partir de rien finalement puisque la structure de base lui manque. D’où l’importance, comme tu le signales, du problème de l’impôt…et parallèlement d’un soutien de la finance internationale (la Grèce ne peut appliquer la politique de souveraineté de l’Argentine).
A propos du « tout social » et des initiatives en ce sens, le gouvernement français n’est pas si éloigné de ce qui se fait en Grèce avec son idée de développer les réseaux de l’économie sociale en faveur de l’emploi des jeunes. Là aussi les municipalités, les départements sont convoqués au sein de « missions locales » et les chambres régionales de l’économie sociale font le lien entre les politiques publiques, les besoins des associations et le montage des projets.
Bien à toi,
Jacques Wajnsztejn



Bonjour,
Je suis d’accord, en général, sur votre analyse de L’État grec. Ce caractère clientéliste des partis grecs a créé une multitude de privilèges pour divers groupes sociaux et professionnels. Cette situation favorise le corporatisme et, enfin, la baisse généralisée des revenus imposée sans trop de résistance puisque chaque groupe reste isolé.
Cette structure et cette surréglementation, sont également favorables à la désinstitutionnalisation et à la socialisation de l’État.
Je suis également d’accord sur l’analyse pour SYRIZA. Le problème est la pénétrabilité de SYRIZA dans de nombreux domaines et groupes précisément à cause de sa politique nébuleuse et de l’absence de critique sérieuse.
Dans le mouvement anar et anti-autoritaire à Athènes il y a la même opposition qu’ailleurs entre les “sociaux” et “individualistes-nihilistes”, mais la situation n’est pas aussi claire en raison de l’action intense du parti fasciste. Cependant je crois que, finalement, le vainqueur sera le même parce qu’il y a une dynamique et une multiplication des actions orientées vers la solidarité et d’autre part il y a une impasse pour les groupes qui sont orientées principalement vers une action antifasciste avec une approche militariste.
Pour les traductions, je n’ai pas de réponse, la dernière fois que j’ai parlé avec lui (le traducteur), il a eu quelques problèmes.
Bien à toi,
Kokkinis Panagiotis

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